Historique (hommes lézards joué par François)
Kubano était troublé. Très troublé. Les signes n’étaient pas favorables. Histoire d’en être vraiment sûr, il reprit une nouvelle poignée de grains de café et les déversa sur le sol du temple.
Tout comme lors de son premier augure, de nombreuses graines rendirent un son creux en heurtant le sol, signe manifeste qu’ils étaient pourris.
Rebondissant contre la pierre multiséculaire, les graines se dispersèrent dans la pièce, guidé par la pesanteur et les aspérités du sol. Seul un grand prêtre skink pouvait trouver un sens à tout cela. Et le sens qu’en tirait Kubano n’était pas bon.
Ses yeux vifs de reptiles parcoururent une dernière fois le dallage, analysant la position de chaque grain, ainsi que les motifs qu’ils pouvaient former. Cela confirmaient ses soupçons. Le portail récemment apparus troublait le cheminement du Grand Dessein des Anciens.
Il faudrait y envoyer des éclaireurs, voir en quoi cette anomalie pouvait aider l’Ennemi Primordial. Mais qui ? La région du portail était dangereuses pour de simple skinks, et le temple ne pouvait se séparer des guerriers saurus qui le protégerait.
Kubano était encore plongé dans ses pensées quand un scribe skink se précipita vers lui, dispersant les grains de café, et réduisant à néant l’augure du grand prêtre.
« Maître Kubano ! Un bassin de frai des gardes saurus est en train de s’activer ! Il faut que vous voyez ça ! »
Sa collerette de plume vibrant d’irritation, il lui répondis vertement : « Et bien, nous avons un nouveau garde des temple. Quoi de plus normal ! Gardez votre sang-froid, voyons ! »
« Mais nous n’avons eu aucune perte, maître. »
« Comment ?! »
Saisis par une intuition fulgurante, Kubano jeta un regard à ses pieds. Les grains formaient un nouveau signe, celui du héros.
Faisant volter sa cape de plume, le grand prêtre planta là son subalterne et couru vers les bassins de frai. Ce qui allait arriver promettait d’être exceptionnel. Les gardes ne naissaient que pour combler les pertes. Soit un nouveau slaan s’éveillait et voulait une garde rapproché … soit les slaans venaient de lui envoyer la solution à son problème de portail.
Descendant dans les entrailles du temple, Kubano se dirigea d’un pas rapide vers sa destination. Dans les couloirs, des ouvriers skinks et des kroxigors le saluèrent avec déférence, mais il les ignora royalement.
Enfin, il arriva devant le bassin incriminé. Le liquide qui maintenait les gardes en stase brillait d’une lumière azurée, et des étincelles en sortaient. D’autres skinks se tenaient sur les bords du bassin, attendant de voir ce qui allait en sortir.
En temps normal. Kubano les auraient remis au travail fissa, mais il comprenait leur fascination. Assister à la naissance d’un garde surnuméraire, ce n’était pas ce qu’on pouvait appeler un événement anodin.
Bientôt la surface du bassin se rida, et un corps puissant en sortis. Légèrement plus grand qu’un guerrier saurus lambda, les écailles des gardes étaient aussi plus épaisses. Tout dans leurs physionomie et leurs attitudes rappelait leurs rôle, celui de garde impassible des Slaans, maîtres incontestés des Séraphons.
« L’ost est à vos ordres, seigneur. Quelle est ma mission ? »
Le garde avait visiblement des difficultés à articuler. Sa gueule de carnassier était bien plus adapté à mordre qu’à faire de longs discours. Mais le simple fait qu’il parvienne à parler autrement que par grognement était déjà un exploit. Bien peu de saurus arrivait à ce stade, qui plus est à leur éveil.
Ainsi, les Slaans lui avaient envoyés un chef rusé pour l’expédition au portail. Il ne lui restait plus qu’à former un ost à sa hauteur.
« D’abord, nous allons te donner un nom, t’armer et te lever une troupe. Un portail doit être exploré pour l’accomplissement du Grand Dessein »
« Bien, seigneur. Pour le Grand Dessein ».
Docile, le garde saurus suivis les skinks qui l’amenaient vers l’armurerie. Kubano allait ordonner à ses subalternes de lui trouver des explorateurs compétents, lorsqu’il se retourna vers le saurus.
« Et comment s’appelle ton ost ? »
Déjà entièrement voué à sa mission. Le saurus répondis sans même se retourner.
« Nes Ka Fé. »